Comment décrire Amanitoré? C’est une question ma fois assez délicate, car cette jeune femme possède un sacré tempérament. Dès son plus jeune âge, avant même d’arriver aux Etats-Unis, dans le doux et paisible appartement à Johannesburg, elle y faisait régner un chaos sans nom. Passionnée de musique, elle chantait à tue-tête, sans se soucier vraiment que son auditoire apprécie ou pas. Curieuse, elle posait inlassablement des questions sur tout et n’importe quoi. Elle pouvait être bruyante, comme d’un calme olympien quand elle écoutait un sujet qui l’intéressait.

En grandissant, elle s’est forgée son caractère à travers ses lectures, notamment sur la vie en Afrique du Sud et sur le féminisme. Très tôt, elle a milité un peu partout, notamment au lycée pour réclamer plus de droits pour ses collègues. Studieuse, mais avec des problèmes de concentrations, elle réussit haut la main son cursus. Mani est une personne entière, sincère, qui lorsqu’elle donnera son amitié ou son amour, donnera tout sans rien cacher. Cependant, en retour, si elle est blessée par la personne qu’elle pensait aimer, il sera presque difficile pour elle de pardonner.

Têtue, elle sait reconnaître ses tords (mais avec un peu de difficultés néanmoins). Elle a le coeur sur la main et n’hésite pas à aller au-devant des problèmes pour protéger les jeunes enfants qu’elle suit en maison d'arrêt. Elle croit sincèrement que les jeunes dont elle a les dossiers peuvent avoir une deuxième chance, si on leur offre l'écoute, si on leur laisse s'exprimer et si on leur donne les clés qu'ils n'ont pas eues avant pour réussir.

Mani ne connait pas son vrai père et cela l'a toujours marqué. Même si elle adore son père adoptif, un afrikaner, elle se pose toujours cette question de ses origines. C'est pour elle comme un vide à combler. Elle se souvient que sa mère gardait dans une pièce des choses appartenant à son vrai père et lui interdisait d'y aller, ce qui provoqua un traumatisme. Pourquoi donc on lui refusait de savoir qui elle était?

Mani a un fils, Jarod, dit Jaja, qu'elle a eu à l'âge de 16 ans. Une erreur de jeunesse qu'elle assume pleinement. Si on vient à lui faire une critique sur l'âge où elle a eu son enfant, ou sa manière de l'éduquer, elle répond généralement avec une remarque sarcastique, voire cassante, mais toujours dans le vrai. Personne ne touche à la famille, c'est sacré.

« Amanitoré, sukuma*! »  (*lève toi en xhosa)

La jeune femme ouvrit les yeux et se redressa à toute vitesse. Son coeur battait la chamade et il lui fallu quelques instants pour réaliser qu’elle était toute seule dans sa chambre. Encore ce même fichu rêve, qui la hantait toujours. Elle se revoyait, dans l’appartement de ses parents à Johannesburg, traversant le long couloir qui menait à une porte. Cette porte qu’elle n’arrivait jamais à ouvrir, car sa mère lui hurlait de se lever. Elle regarda l’horloge qui indiquait quatre du matin… Autant dire que sa nuit était foutue. Elle se rallongea tranquillement dans son lit et se mit à repenser à tout ça, la vie en Afrique du Sud, son déménagement à New York et toutes les étapes de sa vie qui l’avaient mené à cet instant précis.

Mani est née en Afrique du Sud, à Durban. Elle n'a jamais connu son père biologique, sa mère refusant catégoriquement d'évoquer le sujet. Cette dernière s'était mariée avec un afrikaner qui éleva Mani comme sa fille. On peut dire qu'il s'est impliqué énormément dans l'éducation de la jeune Johnson et que cette dernière lui a bien rendu tout son amour. Mais au fond d'elle, il manquait quelque chose. Et cette fracture qui s'est agrandie l'a accompagné tout au long de sa vie, même encore maintenant et a façonné la jeune fille.

La scolarité de Mani se déroula sans accroc. En faisant le strict minimum, elle s'en sortie sans aucun échec, enfin, à part le sport. Car même si notre jeune sud-africaine aime chanter et danser, il faut reconnaître qu'elle a deux pieds gauches. Vers l'âge de 16 ans, elle rencontra son premier amour de jeunesse, Watkin, qu'elle rencontra en cellule après avoir été arrêtée lors d'une manifestation pour les droits des collégiens. Très vite, il était évident que ce serait l'amour fou entre les deux jeunes et ils passèrent énormément de temps au point que la scolarité de Mani était en danger. Mais pour elle ce n'avait pas d'importance, car Watkin voulait faire sa vie avec elle et elle prête à s'engager. Malheureusement les choses ne vont pas toujours dans le sens qu'on voudrait et son cher et tendre lui apprit que la vie pouvait parfois être cruelle.

Un courriel. Un courriel et tout était fini. Un déménagement en Europe, à Londres et une nouvelle vie pour lui et sa famille. Sauf que Mani n'avait pas dit qu'elle était enceinte. Elle lui en parla, car elle voulait être honnête, mais Watkin ne voulait rien savoir. Son futur l'attendait et Amanitoré n'était pas dedans. Les parents Johnson furent choqués d'apprendre la nouvelle et exilèrent leur fille chez sa grand-mère xhosa Nosizwe. La campagne fut bénéfique pour Mani et elle apprit les bases de la médecine par les plantes. Quand elle accoucha du petit Jarod, mamie Nosi garda l'enfant et Mani vint très souvent le voir.

Après le bac, elle se dirigea vers le métier d'assistante sociale. Elle travailla quelques temps à Johannesburg avec son fils à ses côtés. Elle se réconcilia avec ses parents, mais garda toujours ce lien fort avec mamie Nosi. Aussi quand cette dernière décéda de vieillesse, elle laissa comme héritage ses maigres finances, mais surtout sa trousse de soigneuse, ses notes pour guérir les gens et surtout une lettre disant à Mani qu'elle devait trouver sa voie et ne pas rester attacher à un monde qui bridait son talent. Même si la jeune femme aimait de tout coeur son pays et ses racines, elle sentait un certain appel de l'inconnu. Elle décida de s'installer aux Etats-Unis à New York où elle devint assistante sociale en maison d'arrêt pour mineurs. Un petit appartement cosy au septième étage et un Jarod en pleine croissance et qui devenait un beau jeune homme et une vie agréable, de quoi ravir Mani.

Enfin... vous croyez?

Revenons à notre Amanitoré qui cherche désespérément le sommeil. Rien à faire, il ne venait pas. Alors elle se leva et commença à préparer un petit-déjeuner copieux. Jaja la rejoignit rapidement. "Mama ça va?" Toujours protecteur ce petit, même du haut de ses seize ans. Elle le rassura et ils se préparèrent. Le lycée hôtelier pour Jaja et la maison d'arrêt pour Mani.

La matinée se passa pour le mieux jusqu'au moment où l'un des jeunes qu'elle suivait, Max, allait quitter son bureau. La porte s'ouvrit en grand et un autre garçon, venant d'un autre bureau certainement se jeta sur Max avec un couteau. Les surveillants arrivèrent très vite et Maxwell s'en tira avec des égratignures. Mani pensait que c'était terminé et elle examina son protégé. Dans sa tête elle était déjà en train de répertorier tous les médicaments à portée de main pour le soigner et quelles techniques appliquer. Mais une chose se produisit. Une légère lueur accompagnée d'une douce chaleur se dégagea de la main droite de notre assistante sociale et les petites plaies se refermèrent quand elle approcha sa main. "Oh f...." Maxwell fut lui aussi choqué, mais ne dit rien quand il parti rejoindre sa cellule. De nouveau seule, Mani prit son téléphone et appela rapidement sa mère. "Il faut qu'on parle ce soir. C'est urgent. Tu me dois la vérité sur mes origines."